TITRE : Magick - Partie I - Pratyahara
Auteur : Aleister CROWLEY
Traduction : Phillipe Pissier
Copyright: © O.T.O & Blockhaus & le Traducteur


PRATYAHARA

 

Pratyahara est le premier processus de la partie mentale de notre besogne. Les pratiques précédentes, Asana, Pranayama, Yama et Niyama, sont toutes actes du corps, quoique le Mantra soit lié à la parole: mais Pratyahara est purement mental.

Et qu'est-ce que Pratyahara ? Ce mot est utilisé par divers auteurs dans des sens différents. Le même mot est employé pour désigner à la fois la pratique et son résultat. Il signifiera, dans notre présent propos, un processus plus stratégique que pratique; c'est l'introspection, une sorte d'inspection générale du contenu de cet esprit que nous désirons contrôler: Asana ayant été maîtrisé, toutes les causes immédiates d'excitation ont été évacuées, et nous sommes libres de penser à ce quoi nous pensons.

Une expérience très similaire à celle d'Asana nous attend. Au début, nous nous flatterons très probablement de ce que nos esprits soient plutôt calmes ; c'est un défaut d'observation. De même que l'Européen se tenant pour la première fois à la limite du désert ne verra rien, tandis que son Arabe pourra lui raconter l'histoire de la famille de chacune des cinquante personnes en vue, parce qu'il a appris comment regarder, ainsi, avec la pratique, les pensées deviendront-elles de plus en plus nombreuses et de plus en plus insistantes.

Dès que le corps était correctement observé, on le trouvait terriblement agité et pénible, nous allons maintenant remarquer que l'esprit est encore plus agité et pénible (voir diagramme).

BD montre le Contrôle de l'Esprit, s'améliorant lentement au début, ensuite plus rapidement. Il commence depuis, ou près de, zéro, et devrait atteindre le contrôle absolu en D.

EF montre le Pouvoir d'Observation du contenu de l'esprit, s'améliorant vite au début, puis plus lentement, jusqu'à la perfection en F. On commence bien au-dessus de 0 chez les hommes très instruits.

La hauteur des perpendiculaires HI indique l'insatisfaction de l'étudiant vis-à-vis de son pouvoir de contrôle. S'accroissant au début, elle est finalement réduite à 0.

Une courbe similaire peut être tracée pour l'évidente et authentique souffrance d'Asana.

Conscients de ce fait, nous commençons à tenter de le contrôler : " Moins de pensée, s’il te plaît! ", " Ne pense pas si vite, veux tu " , " Plus de pensées de ce genre, s’il te plaît ". C'est seulement alors que nous découvrons que ce que nous pensions être une classe de marsouins espiègles est en fait les circonvolutions d'un serpent de mer. Les tentatives pour le réprimer ont pour effet de l'exciter.

Lorsque l'élève sans méfiance s'approche pour la première fois de son saint mais rusé Gourou, et lui réclame les pouvoirs magiques, ce Saint Homme lui répond qu'il les lui conférera, puis désigne du doigt avec beaucoup de prudence et de discrétion un endroit particulier du corps de l'élève qui n'avait jamais retenu son attention précédemment, et dit: " Afin d’obtenir les pouvoirs magiques que tu cherches, il te suffit de te laver sept fois dans le Gange pendant sept jours, en étant spécialement attentif à ne pas penser à cet endroit précis ". Evidemment, le jeune malheureux passe une éprouvante semaine à ne penser qu'à guère d'autres choses.

Il est positivement stupéfiant de voir avec quelle ténacité une pensée, ou même une chaîne de pensées toute entière, revient encore et encore à la charge. Cela devient un véritable cauchemar. Il est également tout à fait ennuyeux de s'apercevoir qu'on ne devient conscient d'avoir été amené à parler du sujet défendu qu'après l'avoir parcouru de fond en comble. Quoi qu'il en soit, on continue jour après jour à examiner ses pensées et à tenter de les mettre en échec; et tôt ou tard on arrive à l'étape suivante, Dharana, la tentative pour limiter l'esprit à un seul objet.

Cependant, avant de l'aborder, nous devons considérer ce qu'on entend par succès en Pratyahara. C'est une question très vaste, et différents auteurs en ont des visions largement divergentes. Il est un écrivain estimant qu'il s'agit d'une analyse tellement pénétrante que chaque pensée se trouve résolue en un bon nombre de ses éléments (voir " La Psychologie du Haschich ", Section V, in The Equinox II ).

D'autres pensent que le succès en cette pratique est quelque chose approchant de l'expérience que fit Sir Humphrey Davy après avoir pris de l'oxyde nitreux, lors de laquelle, il s'exclama : " l’Univers est exclusivement composé d’idées ! ".

D'autres disent que cela procure le sentiment d'Hamlet : " Il n’y a rien de bon ou de mauvais mais la pensée les fait tels ", interprété aussi littéralement que le fit Mrs Eddy.

Quoi qu'il en soit, le principal est d'obtenir une sorte de pouvoir inhibiteur sur les pensées. Par bonheur, il existe une infaillible méthode permettant d'acquérir ce pouvoir. Elle est donnée dans le Liber III . Si les sections 1 et 2 sont pratiquées (si nécessaire avec le secours d'une autre personne pour assister la vigilance), vous serez bientôt en mesure de maîtriser la finale. Chez certains, le pouvoir d'inhibition peut surgir brusquement, exactement de la même manière qu'avec Asana. Sans aucun relâchement de la vigilance, l'esprit sera soudainement pacifié. Adviendra un merveilleux sentiment de tranquillité et de repos, tout à fait différent de la sensation léthargique provoquée par l'indigestion. Il est difficile de dire si un résultat aussi précis sera obtenu par toutes, ou même la plupart des personnes. Mais ce n'est pas une question d'une très grande importance. Si vous avez acquis le pouvoir d'endurer la montée de la pensée, vous pouvez passer au stade suivant.

 


NOTES :

1 - Ndt : Figure en appendice VII de "Magick en Théorie et en Pratique".